Un nouveau calendrier est fixé, avec une première échéance en 2030, puis des obligations à respecter pour chaque décennie jusqu’en 2050. S’il respecte ainsi le calendrier de la loi de transition énergétique, il est à noter que, la première échéance de l’obligation étant 2030, l’ancienne obligation de réduction de 25 % pour 2020 n’a donc plus cours. Une conséquence directe de l’annulation juridictionnelle opérée par le Conseil d’Etat.
Deux types d’objectifs sont déterminés. Voyons cela ensemble.
Le nouveau décret tertiaire fixe les échéances d’économies d’énergie par rapport à une consommation de référence qui ne peut être antérieure à 2010 :
Ce seuil de consommation en énergie finale est fixé en valeur absolue en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. « Cette option sera surtout intéressante pour les bâtiments les plus récents, ou pour ceux qui ont déjà fait l’objet de travaux » commente Emmanuel Acchiardi. Le niveau à atteindre pour chaque échéance est déterminé par un arrêté et est fixé sur la base d’indicateurs spécifiques pour chaque catégorie d’activité.
Quelle que soit la méthode retenue pour déterminer l’objectif de réduction, le volume de l’activité exercée dans le bâtiment peut être pris en compte : l’arrêté ministériel doit venir préciser ce point pour chaque catégorie d’activité.
Quelques typologies de bâtiments sont toutefois exemptées :
Quoi qu’il en soit, pour ajuster les objectifs du décret tertiaire à leur activité, les professionnels devront se doter rapidement d’outils capables de dresser un état initial de leurs consommations !
Les propriétaires et les preneurs restent soumis à l’obligation même si la surface concernée passe en dessous du seuil des 1000 m2, dès lors qu’ils continuent à y exercer des activités tertiaires. En cas d’évolution de l’activité tertiaire, de nouveaux objectifs sont fixés, la réduction de consommation visée étant basée sur un niveau de consommation de référence initiale.
Responsables de 45% des consommations d’énergie finale en France et de plus de 20% des émissions de gaz à effet de serre, les bâtiments résidentiels et tertiaires constituent le second poste le plus important de consommation d’énergie en France, loin devant les transports et l’industrie.
A lui seul le tertiaire représente ⅓ de ces consommations : la rénovation énergétique de ce secteur constitue donc un levier déterminant pour atteindre les objectifs européens d’économie d’énergie.
Pour faciliter la mise en œuvre, le législateur souhaite offrir un cadre le plus souple possible.
Il existe en effet des possibilités de modulation des objectifs, en fonction :
« La méthodologie de calcul de ces différentes modulations sera précisée dans l’arrêté relatif à l’application du décret tertiaire. De plus, ces modulations devront obligatoirement être justifiées par un dossier technique. »
Le décret tertiaire introduit également deux nouvelles dispositions qui permettent de déduire de la consommation d’énergie :
En ce sens, il se rapproche des réflexions menées dans le cadre de certifications environnementales (HQE®, LEED®…).
Désormais, on ne parle plus de travaux mais d’« actions ». Un glissement sémantique qui n’est pas anecdotique.
Par « actions », le décret tertiaire désigne donc non seulement des travaux au sens propre du terme mais aussi tout ce qui a trait aux comportements des usagers, aux bonnes pratiques quotidiennes ainsi qu’à la maintenance des équipements.
Les actions à déployer peuvent ainsi porter sur :
Le lancement d’une plateforme informatique centralisant les données de consommation pourrait générer une émulation et encourager l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc immobilier tertiaire existant.
En attendant la première échéance de 2030, le gouvernement veut suivre les avancées du secteur.
Le décret tertiaire fixe ainsi les modalités de mise en place d’ OPERAT, une plateforme informatique de recueil et de suivi des consommations d’énergie finale. Les propriétaires et preneurs à bail sont tenus de transmettre à partir de 2021 « au plus tard le 30 septembre, les données relatives à l’année précédente ».
Pour chaque bâtiment soumis à l’obligation, les propriétaires ou les preneurs à bail « selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations » devront ainsi déclarer sur la plateforme :
Il est à noter qu’il est possible de déléguer « la transmission de leurs consommations d’énergie à un prestataire ou, sous réserve de leur capacité technique, aux gestionnaires de réseau de distribution d’énergie ».
Cette plateforme permettra de générer et de publier les consommations d’énergie finale et les objectifs de consommation sur la base d’une attestation numérique annuelle.
La plateforme OPERAT offrira ainsi un suivi de l’obligation en proposant un baromètre d’avancement régulier mais : « Ces données sont rendues anonymes et leur exploitation ainsi que leur publication respectent le secret des affaires. »
En raison de la crise sanitaire de la Covid-19, les autorités publiques ont décidé de repousser la première échéance du décret tertiaire. Les entreprises devront entrer avant le 30 septembre 2022 dans la plateforme OPERAT.
Contraignant ou incitatif : quel type de dispositif a plus de poids lorsqu’il s’agit de rénovation énergétique ? En la matière, il semble que le décret tertiaire ait tranché privilégiant la bonne volonté des assujettis comme levier d’efficacité. Un parti pris que déplorent certains acteurs du secteur.
Si le propriétaire ou le preneur à bail ne respecte pas ses obligations de réduction des consommations et qu’il ne justifie pas ses manquements, le décret annonce des sanctions pouvant aller jusqu’à une amende administrative de 1500 € pour les personnes physiques et 7500 € pour les personnes morales.
En cas de non-respect de reporting, aucune sanction pécuniaire ne sera appliquée. Si le propriétaire ou le preneur à bail ne transmet pas les données de consommations via la plateforme en ligne, il s’expose à une mise en demeure de les transmettre dans un délai de 3 mois. A défaut, il sera procédé à la publication, sur un site internet des services de l’Etat, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet : c’est le principe du « name and shame »
Pour répondre aux objectifs du décret tertiaire, les assujettis ont donc deux possibilités :
L’arrêté englobe trois grands éléments.
Noté Créf, il est exprimé en kWh/m² de surface de plancher. La consommation énergétique de référence visée porte sur la consommation énergétique totale, détaillée par type d’énergie consommée pour les besoins de fonctionnement des activités tertiaires au sein du bâtiment, de la partie de bâtiments ou ensembles de bâtiments concernés pour l’année de référence.
Les données de consommations énergétiques détaillées sont fournies à partir de factures ou tout autre moyen approprié d’effet équivalent. Elles sont mesurées ou affectées par répartition.
A défaut de renseignement portant sur l’année de référence, celle-ci correspondra à la première année pleine d’exploitation dont les consommations énergétiques sont remontées sur la plateforme de recueil et de suivi. Il peut être ajusté en fonction des variations climatiques.
Etabli par rapport au niveau de consommation énergétique de référence, le niveau de consommation d’énergie finale en valeur s’établit respectivement pour chacune des échéances décennales de la façon suivante :
Il est noté Crelat et est exprimé en kWh/an/m2 d’énergie finale.
Le niveau des objectifs de consommation d’énergie finale à atteindre sera calculé selon la formule suivante : Cabs = CVC + USE.
Les données climatiques qui seront prises en compte seront celles éditées par la station Météo France la plus proche du bâtiment tertiaire concerné.
L’ajustement se fera en fonction du Degré de jour unifié de cette station Météo France. Les degrés-jours unifiés (DJU) représentent la somme des degrés-jours de tous les jours de la « saison de chauffe », à savoir les périodes allant de janvier à mai et d’octobre à décembre
Les degrés jours unifiés permettent d’évaluer la rigueur du climat de la région dans laquelle se trouve un site, professionnel comme résidentiel.
L’assujetti au décret tertiaire doit renseigner sur la plateforme OPERAT les valeurs des indicateurs d’intensité d’usage relatives aux activités de son site. Ensuite, une modulation sera réalisée automatiquement en fonction du volume d’activité.
Le décret tertiaire prévoit une modulation des objectifs de consommation finale en fonction :
L’ensemble de ces modulations sont à déclarer 5 ans au maximum après la première échéance de remontée de consommations de chaque décennie. Elles peuvent être mises à jour à tout moment.
L’arrêté récapitule également :
En octobre 2020, un second arrêté dit « valeurs absolues I » a été soumis à la consultation publique. Il vient compléter certaines dispositions méthodologiques et détermine notamment les niveaux d’exigence en matière de de consommation d’énergie en valeur absolue pour les assujettis suivants : bureaux et services publics, enseignement primaire et secondaire et logistique du froid.
Le décret tertiaire veut impliquer les différentes parties prenantes. Propriétaires et preneurs à bail seront donc co-responsables des actions « qui relèvent de leurs responsabilités respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations ». C’est ensemble qu’ils doivent fixer les actions destinées à respecter l’obligation de performance énergétique et décider de la mise en œuvre des moyens correspondants.
( Source "Opéra Energie" https://opera-energie.com/ )